Le Coin des Conteurs
Le Coin des Conteurs

Une introduction au Facteur C

-- Problème de connection à la base de données --


Le compte-rendu de cette lecture est publié avec la permission du Conseil de Vienne.

    Merci d'être venu ce soir. Comme vous l'aurez sans doute noté, la lecture de ce soir aura pour thème la nature de la vitae, plus principalement, la nature de la vitae caïnite. Il est impossible de disserter sur le sang sans parler de la physiologie et de la biologie des caïnites. Beaucoup de choses ont été écrites sur ces trois sujets. Ce que je vous offre ce soir est une nouvelle théorie - fondée sur la logique et construite sur certaines spéculations - qui pourrait enfin expliquer notre nature physique et notre lien avec la vitae.

    Le sang. Oui, vous pouvez sourire. Pour les mortels, le sang a un rôle primordial : oxygéner le corps. Toute autre chose, bien qu'importante, n'est rien car sans un approvisionnement adéquat en oxygène, les fonctions vitales cessent.

    La composition du sang est, approximativement 50 % cellulaire - globules rouges et plaquettes ou, respectivement, erythocytes, leucocytes et thrombocytes - et 50 % plasma, constitué de sérum et de fibrinogènes. Les fibrinogènes permettent la formation des caillots et sont en conséquence d'un intérêt secondaire pour nous. Le sérum, d'un autre côté, est digne de toute notre attention. En fait, ma théorie est que le sérum est l'un des composants les plus importants de notre vitae.

    Lorsque le sérum est isolé des autres composants du sang, il ne reste qu'un liquide clair et jaunâtre, composé d'eau, de graisse, de sucre, de sels divers et autres éléments qui servent à protéger le corps des maladies. Mais le sérum - et ceci est le moment important - est principalement fait d'eau.

    Le reste de l'histoire est élémentaire et nous le savons tous. La version abrégée est : le coeur pompe le sang passé par les poumons où il est oxygéné. Le coeur envoie alors ce sang chargé d'oxygène à travers tout le corps. L'oxygène est échangé contre des restes de cellules qui sont éliminées via l'urine, les excréments ou l'exhalation. Lorsque la quantité d'oxygène suffisante n'est pas allouée, les cellules meurent et la cible entre en état de choc. Techniquement, le "choc" est défini comme une perfusion inadéquate de cellules - un manque d'oxygénation - et c'est ce "choc" qui tue. Personne ne meurt d'une blessure par balle, les gens meurent d'une perfusion de tissus inadéquate résultant d'une balle dans le corps.

    Dans un homme adulte moyen, cinq litres et demi de sang circulent en permanence. Maintenant, la plupart d'entre nous ont vu un cadavre. Non, je ne parle pas de la personne à côté de vous, mais d'un vrai cadavre. Beaucoup d'entre vous auront sans doute remarqué deux choses importantes : premièrement, le sang d'un cadavre n'a pas très bon goût. Deuxièmement, le sang s'accumule dans les extrémités basses du cadavre. Cela a pour effet de rendre le corps aussi pâle que n'importe lequel d'entre nous avant un repas, excepté pour ce qui est des extrémités saturées de sang.

    Par exemple, un corps abandonné sur le dos est presque aussi blanc qu'un linge, excepté au niveau des épaules, fessiers et pieds, où la gravité accumule le sang. Le terme est "lividité cadavérique" et cela se produit parce que le coeur ne pompe plus de sang et que l'attraction terrestre joue alors son rôle.

    Il y a une théorie populaire selon laquelle les caïnites emmagasineraient du sang dans certaines parties du corps, notamment la poitrine. Cette théorie serait prouvée par le fait que lorsque la poitrine d'un caïnite est ouverte, une grande quantité de sang en jaillit. Bien que personne ne puisse dire qu'autant de vitae est perdue, cette théorie est inappropriée pour une simple raison : l'attraction terrestre. Elle nous affecte également. La vitae ne peut tout simplement pas se concentrer dans la poitrine car, lorsque nous sommes debout, la gravité mène le sang dans nos jambes.

    Alors, pourquoi nos jambes ne sont-elles pas colorées de pourpre ? Pour la même raison que vos doigts saignent lorsqu'ils sont coupés. Bien que nous n'ayons ni battement de coeur, ni pouls, le sang circule toujours à travers notre corps. Nous devons en revenir au sérum afin de fournir une explication. Il est communément attesté que nous vivons de la seule vitae. Rien d'autre ne peut nous nourrir. Rien d'autre ne peut être ingéré. Rien d'autre ne peut être rejeté. Cependant, tout le monde ce soir peut cracher, voir, pleurer et uriner.

    A nouveau vous riez. Je vous le demande, avez-vous déjà essayé d'uriner ? Comme vous n'en avez aucun besoin, mon avis est que non. Bien. Vous pensez que vous ne pouvez pas le faire. Bien, maintenant, combien d'entre vous ont pleuré ?

    Les larmes des caïnites, bien que n'étant pas claires, ne sont pas constituées que de sang. Nos larmes sont principalement constituées d'eau. En fait, ces larmes sont constituée de sérum - de sérum du sang. Ce même sérum nous permet de voir sans que nos yeux ne sèchent, il nous permet de cracher et il nous donne également ce doux toucher de la langue qui évite à la précieuse vitae de s'échapper.

    Alors que le sérum des mortels est plutôt jaune, le notre est clair. Pas de graisse, pas de déchets et donc, pas de couleur. Combien de vampires obèses viennent à l'esprit ?

    Puisque nos cellules sont mortes, nous n'avons pas besoin d'oxygène. Puisque nous n'avons pas besoin d'oxygène, notre sang ne circule pas. Puisque notre sang ne circule pas, notre coeur ne bat pas, alors nous sommes, dans un sens, morts.

    Nous en arrivons à la plus vexante question de notre existence, scientifiquement parlant : comment est-ce possible ? Comment pouvons-nous exister ? Que fait le sang en nous, puisqu'il ne fait aucune des choses qu'il ferait dans un mortel ?

    Faisons une liste brève de ce que notre sang peut faire. Il nous maintient. Il nous nourrit. Il nous protège de presque toutes les maladies. Il nous soigne. Il est la seule source de notre corps. Sans lui, nous mourons à nouveau.

    J'ai une réponse.

    Nous sommes les organismes les plus parfaits qui aient jamais marché sur cette terre. Nous ne gaspillons rien. Chaque goutte de sang que nous prenons est utilisée par notre corps. Nous prenons littéralement le souffle des mortels. Nous volons l'eau avec laquelle humidifier nos yeux. Lorsque nous prenons leur sang, nous volons leurs fibrinogènes qui referment leurs blessures. Et nous volons leurs anticorps, leur immunisation.

    Nous savons tous combien le sang artériel a bon goût. Ce sang est riche en oxygène et nutriments et il est propre, débarrassé de ses impuretés. Le sang veineux, est pollué. Cependant, notre corps consomme les deux. Je le répète, rien n'est gâché. Nous utilisons chaque goutte. Et après que nous l'ayons utilisé, nous sommes à nouveau affamés.

    Maintenant vous savez pourquoi nous avons besoin de sang, mais vous vous demandez sans doute toujours comment il se meut dans notre organisme.

    C'est la partie la plus osée de mon exposé car c'est la plus difficile à prouver et c'est, peut-être, la plus blasphématoire. Mais la science est blasphème, aussi bien pour les mortels que pour nous même.

    Dans notre sang, je crois qu'il existe un élément transmis par nos sires durant l'Etreinte. C'est un élément auquel je me réfère sous l'appellation de Facteur C. Le Facteur C domine tout le sang mortel qui pénètre notre corps et le plie à notre nature. Ce facteur est plus fort dans nos anciens, devenant de plus en plus puissant lorsque notre vitae se rapproche de ses origines. Notre vitae n'est jamais aussi puissante que celle de nos sires. Nos capacités ne sont jamais aussi grandes que les leurs. Et il ne pourra jamais en être ainsi, à moins que le Facteur C en nous ne soit remplacé par un autre, plus puissant ou plus ancien.

    Fondamentalement, le Facteur C est identique dans tous les vampires. Il varie en puissance, mais rempli les mêmes fonctions chez chaque caïnite. Il fait circuler notre sang, passivement lorsque nous sommes au repos et activement lorsque nous sommes éveillés. C'est une partie de nous, pas un intrus, et il apparaît lors de l'Etreinte. C'est ce qui nous permet d'être ce que nous sommes. Notre sang circule encore dans nos veines, nos artères et notre coeur. Le Facteur C est l'ingénieur de notre sang.

    Pour en revenir à l'argument de stockage, ma réponse à la réserve de sang dans la poitrine est simple : plus de sang jaillit d'une blessure à la poitrine. Il y a plus de sang à cet endroit. Mais, grâce au Facteur C, une telle blessure ne nous tue pas. La vitae est perdue, bien entendu, mais le sang qu'il nous reste est redirigé. Si la théorie du stock de sang était correcte, il serait impossible de le rediriger pour se soigner.

    Le Facteur C fournit à notre sang une certaine conscience. Pas une pensée mais plutôt une sorte d'automatismes similaires aux réactions nerveuses humaines automatiques.

    Le Facteur C fait plus. Il sépare le sang que nous recevons en divers éléments. Il augmente les fibrinogènes que nous ingérons. Il l'applique aussi bien aux blessures que nous infligeons qu'à celles que nous recevons.

    Le Facteur C explique notre résistance, notamment contre les maladies. Les globules blancs, chargés de combattre les infections et maladies chez les mortels, servent à la même chose chez nous. Les globules blancs, plus spécifiquement lymphocytes, ont une mémoire. Ils se souviennent des infections qu'ils ont combattu et vaincu.

    Chaque fois que nous buvons du sang, notre Facteur C interroge les lymphocytes accumulés, ajoutant leurs connaissances aux siennes. Ce procédé d'apprentissage commence à notre étreinte. Hypothétiquement, si un vampire se nourri une fois par nuit, chaque nuit de l'année sur un calice différent, il est possible pour le Facteur C de ce vampire d'acquérir 364 nouveaux lymphocytes, 364 nouvelles maladies et infections qu'il sait maintenant combattre.

    Puisque notre Facteur C commence avec notre sire et peut être retracé jusqu'à sa source, notre Facteur C peut avoir la connaissance de n'importe quelle infection, virus ou maladie qui affecte les mortels. Cela explique également pourquoi les caïnites sont plus sensibles aux nouvelles maladies ou à celles encore inconnues. Nous ne savons pas comment nous protéger contre ces nouvelles maladies car nous ne les avons jamais rencontrées avant.

    Le Facteur C est la seule explication rationnelle de notre physiologie. Notre sang fait tout pour nous et notre sang est différent. Cela doit être ce facteur qui nous permet de survivre. Des preuves ? Je n'en ai aucune autre que la logique que je propose et les lois de la nature qui sont immuables. Mais considérons les faits. Nous savons ce qui est vital pour la vie, du moins physiquement. Nous n'avons aucune de ces choses excepté le sang. Depuis le commencement, notre relation avec la vitae nous a fait différents - littéralement. Pour moi, le Facteur C est présent mais toute tentative afin de l'isoler ou de l'identifier a échoué.

    Les recherches continuent, bien sûr, et chaque nuit me rapproche du but.

    Je voudrai conclure en vous laissant sur une interrogation : si le Facteur C est identifié et peut être isolé, qu'est-ce que cela signifierait pour nous ? Je pense que ce serait soit la fin, soit un nouveau commencement.

15 octobre 1993
Justin Carmichael

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